mardi 5 février 2013

Black Mirror - 2011




Ahah ! Il est temps d'attaquer un monument.  Black Mirror est une série anglaise de 3 épisodes, entre 45 et 60 minutes chacun, lancée en 2011 par Zappotron. Une série ? De 3 épisodes ? Oui ! La série adopte ce format bien particulier pour coller à un principe simple : chaque épisode constitue une plongée dans un univers particulier. Par univers, n'imaginez pas de panoramas dignes d'un space opera, mais plutôt d'une extrapolation morbide et néanmoins plausible de notre société contemporaine  Il n'y a donc aucun lien entre les épisodes, seulement ce fil conducteur en amont qui consiste à exagérer à l'extrême la force obscure du Monde actuel. Du coup, plutôt que de faire une analyse globale, je vais passer chaque épisode au crible, avant d'en tirer une critique plus globale regroupant les thèmes évoqués. Toujours sans spoiler, simplement en soulevant des thématiques. Et sachez que si vous êtes (deviendrez ?) accroc à cette série la saison 2 commence le 11 Février 2013.

Episode 1 : The National Anthem

C'est l'épisode le plus plausible, dans le sens où il ressembler plus à notre mode de vie actuel. Avis à ceux qui répugnent les séries pour leur premiers épisodes qui traînent à faire démarrer une réelle intrigue, soyez rassurés : l'enjeu et la trame principale est lancée dès les 5 premières minutes. Le tout se passe sur fond de guerre médiatique, mettant évidemment en parallèle nos propres guerres de médias. L'extrapolation à proprement parler se  joue sur l'importance grandissante des réseaux sociaux, de la popularité des hommes politiques (qui de nos jours en arrivent à être plus commerciaux que politiciens) et, évidemment, des répercussions sur la population. On poursuit l'intrigue sur un rythme croissant et à chaque fois sous différents points de vue, jusqu'à l'avènement final, une fin en toute beauté menant irrémédiablement au défilement du générique où, on reste pantois tant l'épisode soulève quantité de questionnements. Si je devais retranscrire la principale portée satirique de ce premier épisode, elle s'articulerait sur deux axes principaux. Car en dehors de l'intrigue même qui dirige les 45 minutes, le fin apporte un point de vue très particulier sur l'importance de la population sur fonds de statistiques médiatisées.


L'oeuvre nihiliste selon l'Artiste :

C'est ce premier axe qui émerge d'abord : la société en tant que conglomérat d'êtres humains, et non de statistiques (!), réagissant sur un fil d'actualité. Une sorte de schéma s'extirpe alors, où dans un premier temps une information est contrôlée par des groupes médiatiques et des politiciens. Puis elle est transmise au public, qui dans un troisième temps la jauge et finalement réagit en conséquences. Si les deux premières étapes ne brillent pas d'originalité, c'est précisément le décalage entre le fait de jauger, d'estimer une information et le fait de la vivre, de l'assumer, et d'en voir les résultats concrets, qui choque. De nos jours, les logos de réseaux sociaux fleurissent sur les panneaux & messages publicitaires, cherchant à fraterniser toujours plus de monde en s'aventurant sur leur propre terrain. Outre le fait de devenir une statistique, celui qui a "liké" la page Macdo (ou que sais-je encore) vient de faire plus que cliquer sur un bête bouton scripté, il vient de donner un avis et de s'exprimer. Je ne veux pas non plus paraître comme un extrémiste  aussi je dirais qu'en soit, appuyer sur des boutons (et s'exprimer !) n'est évidemment pas grave en soit. L'important, c'est le fait que ce sont les masses qui donnent les tendances de demain (et ça Black Mirror le montre  très bien) et qui, au final, parlent au nom des autres. Jusque là, au final, rien de grave : libre à tout le monde le droit de s'exprimer. Et c'est là qu'on bascule de l'autre côté, dans le deuxième axe, celui du résultat, des conséquences des "volontés des masses". C'est en arrivant petites statistiques par petites statistiques qu'on arrive à des écueils où des décisions sont prises en amont et que les chiffres se concrétisent en images, en preuves et conséquences de ce qui a été choisis de faire. Dans Black Mirror, le regret surgit alors, après des à priori pourtant positifs, la foule regrette, a honte, honte d'avoir choisis, et surtout honte de voir, de regarder le résultat et d'être involontairement un infime grain de sable faisant partie de ce désert qui a noyé un paysage jusqu'alors verdoyant. C'est ça, la portée principale du premier épisode, telle que je la conçois : on donne de plus en plus de moyens d'expressions aux populations, certes. Le problème est qu'en amont, on donne de plus en plus d'importance et de valeurs à ces avis, aux interprétations et aux phénomènes sociaux de masses. Et surtout : donne-t-on réellement suffisamment de diversité au niveau de l'information, de manière facilement accessible pour et par tous ? Si on donne de plus en plus d'importance à ces interprétations, ne faudrait-il pas plutôt les nourrir, les enrichir en donnant plus de moyens pour développer l'esprit critique de tout le monde sur l'actualité, plutôt que de tenter de manipuler l'opinion publique ? Comment peut-on exclure le développement culturel, condition sine qua non au développement de l'esprit critique, au profit de l'abrutissement lié au "marketing politico-social" ? Reste à espérer qu'on aura pas à attendre un évènement réel tel que dans Black Mirror pour que cette tendance généralisée se désagrège ou, peut-être, est-ce justement "la" solution inespérée... si vous vous demandez à la fois quelle est cette solution et pourquoi "L'oeuvre nihiliste selon l'Artiste", ben n'hésitez plus car il est trop tard : votre curiosité est piquée à vif, et il vous faut d'urgence voir Black Mirror (ce qui m'enchanterait au passage).


Episode 2 : 15 Million Merits

A mon sens le meilleur épisode de la saison. A l'inverse du premier, on part aux antipodes du monde moderne pour plonger dans de l'anticipation digne d'un K.Dick. Contrairement à The National Anthem, il n'y a en apparence pas de réelle intrigue. On est juste plongé dans le quotidien de Bingham Madsen, vivant dans une sorte de cité peuplée de ... cyclistes. Cette société est assagie par les chaînes de télé proposée par le seul et unique groupe de distribution, proposant sur une chaîne principale un concours sur le même modèle que l'infâme The Voice (et j'en passe). Cette émission devient alors le véritable opium du peuple, lui-même dépersonnalisé par des uniformes imposés et une hiérarchie implacable, où les seules fantaisies permises (et néanmoins payantes) demeurent la personnalisation de son avatar virtuel (comme sur Playstation Network, ou xBoxLive). Le béton remplace la verdure, les images remplacent le réel à des fins purement pratiques et pourtant déshumanisant à l'extrême. Du coup, si on est d'abord subjugué par tous les détails de cet univers futuriste, on bascule progressivement dans le cauchemar,  le véritable enfer, une montée progressive jusqu'à l'expression spontanée d'une haine sans pareil pour une société morbide traitant l'Homme comme un vulgaire produit fini (j'entends à qui l'on a déterminé par avance sa finalité), passant par un monologue poignant (on applaudira grandement le jeu d'acteur de Daniel Kaluuya pour cette performance hors norme), et la fin est à la hauteur du premier épisode : une claque. Et même syndrome que pour le premier épisode : malgré le défilement du générique, on décroche pas, et on cogite sur ce qu'on vient de voir, à la fois émerveillé d'avoir eu la bonne idée de voir cette oeuvre (si, si !) et en même temps terrifié à l'idée que ce monde devienne le nôtre. Car si ce 2e épisode dépeint une société profondément gangrenée par l’imbécillité totale jusqu'à y atteindre un point de non retour, il met aussi en avant l'une des vertus capitale de l'esprit humain : la force d'abstraction.


Le Bernard l'hermite :

On pourrait faire un parallélisme entre la situation des habitants de l'univers de ce deuxième épisode avec les pensionnaires de la plus terrible des prisons. Imaginez un moment : votre avenir est déterminé par votre capacité d'endurance physique, réduit au mutisme par l'homogénéité sociale, forcé à vivre dans un 30m² entouré d'écrans, contraint à payer la moindre action que vous entreprenez aussi futile soit-elle, et le seul espoir d'y échapper réside en la participation à l’émission  elle même étant l'origine de ce mal. Si en apparence tout semble lisse, propre et ergonomique à l'instar des technologies Apple (n'aimant pas les pommes, mon avis n'est aucunement mélioratif), c'est pour mieux cacher les rouages d'une société véritablement finie, se suffisant à elle-même, semblant figée dans le temps, ancrée dans la stagnation totale. Si cette vision de l'avenir donne déjà le tournis, pensez à ce moment là à ladite force d'abstraction. Bingham semble être en dehors de cet univers, répondant à d'autres choses. Il semble, comme un détenu cherchant à améliorer sa condition psychique face à l'enfer de l'isolement, vivre dans sa propre bulle qu'il s'est formé progressivement. N'a pas cette force qui veut l'entreprendre sur un simple coup de tête ; qui ne se cantonnerait pas aux "merveilleux" programmes télés diffusés H24, aux nouveaux vêtements numériques de son avatar, aux cours d'instruments de musiques virtuels ? Pour faire abstraction de quelque chose, encore faut-il clairement l'identifier. Si Bingham semble s'être constitué une puissante armure face au monde extérieur, il est amené à faire un choix capital : faut-il détruire sa bulle pour s'en reforger une nouvelle, sur un territoire nouvellement conquis, ou au contraire, la conserver avec son confort. J'imagine que cette phrase ne vous parle pas particulièrement. Un exemple concret : dans une situation particulièrement, vaut-il mieux se prostituer pour sortir de la misère la plus profonde, ou rester prolétaire pendant une durée indéterminée ? Si aucune des options ne paraît franchement meilleure (chacune n'étant déjà relativement pas souhaitable à personne), c'est là qu'entre en jeu la force d'abstraction. Au-delà de ces deux mots se cache une force à mettre en jeu, un défi personnel à s'imposer, une rigueur à adopter et dont il faut s'affranchir pour accomplir les enjeux que l'on a mûrement choisis. Si l'on devait considérer la caractère humain comme un bernard l'hermite (pardon aux Darwinistes en herbe), ce sont les moments où il faut quitter le confort de sa coquille pour une nouvelle plus grande que l'on grandit véritablement. C'est le propre de l'accomplissement et de la concrétisation même de l'empirisme de l'Homme ; prendre une décision menant à des enjeux pour s’accommoder à des changements d'habitudes. David Bingham fait son choix et nous montre, dans cet univers résolument meurtris par le tout-virtuel, qu'il toujours possible d'accéder à des horizons plus verdoyants. 


Episode 3 : The Entire History of You

Le troisième et dernier épisode de la série est tout aussi excellent que les autres. Chronologiquement parlant, contrairement au premier (contemporrain) et au deuxième (résolument futuriste), celui-ci se rapproche plus d'une sorte d'uchronie, mélange de deux époques, avec des éléments futuristes liés à des voitures d'un autre âge. Efficace et osé. En ayant vus les 2 premiers épisodes, on voit vite sur quelle piste se lance The Entire History of You au bout des quelques minutes d'intro. Liam Foxwell rentre chez lui après un entretien, où se tient une fête. C'est tout ! Bon, évidemment, c'est plus compliqué que ça, mais entendez par là que l'intrigue et "l'horreur" propre à Black Mirror s'extirpe dans une psychose que créé lui-même Liam. A partir d'une invention qui permet, comme un appareil photo au stockage illimité, d'enregistrer des moments de sa vie, ce jeune avocat se retrouver dans l'oeil d'un cyclone dont il aura été la cause, et résolument l'effet.  Si le rythme est plus lent que dans les deux autres épisodes de la série, c'est probablement pour mettre en avant l'indiscernable folie dans laquelle nous serions tous plongé si une telle invention venait à exister. Pourtant, il n'est nullement question de conflit politique, de guerre, ou quoi que ce soit amenant à des morts par milliers ou que sais-je encore. Il est simplement question de l'intégrité physique & morale de tout le monde. Rien que ça ? Oui, rien que ça. Et c'est largement suffisant pour perpétrer à nouveau ce que j'appellerais maintenant le Syndrome Black Mirror, où la fin du générique ne vous suffit plus à vous dépêtrer d'un tourment de questionnement. Ne voulant pas terminer l'analyse par l'évident questionnement de "est-ce que ça serait bien de pouvoir stocker tout ces souvenirs dans sa caboche ?", étant une évidente analyse possible du film, je vais plutôt m'aventurer dans une thématique tout autre, celle de l'utilité publique du Mensonge. Ah ah, ça je suis sûr que personne n'y a pensé, je suis tout content !


Lie to me :

Imaginez, un seul instant, pouvoir consulter à loisir des moments de votre vie. D'avoir la capacité de faire des arrêts sur image, des zooms, d'amplifier les sons, de les passer sur grand écran, de pouvoir les effacer, de les mettre en favoris. Outre le fait qu'à ce stade, je ne porterais plus que très peu d'estime envers l'Humanité, quel serait le principal élément émergeant ? On ne pourrait que très difficilement mentir. En pouvant analyser et décortiquer les attitudes & dialogues de tous ceux qu'on croise, on pourrait facilement discerner le mensonge de l'honnêteté, au travail comme dans le cercle familial. On serait véritablement plongé mondialement dans un permanent état de psychose latente où, devant la facilité d'accès de nos souvenirs, personne ne pourrait s'empêcher de remettre en question la sincérité de la moindre discussion au-delà du "bonjour, 2 croissants s'il vous plaît" ni même d'accorder véritablement confiance envers qui que ce soit. Partant du postulat que la confiance est une relation construite et mutuelle, si aucun des deux partis n'est tolérant envers l'autre et ne peut s'empêcher, par réflexe plus que par doute, de croire son prochain, c'est la base même de l'amitié qui s'effondre. L'amitié n'existerait plus, il ne resterait que des souvenirs en commun (sous différents points de vue méticuleusement triés dans des répertoires). Ensuite vient un fait reconnu d'utilité publique : tout le monde ment. Au-delà des mensonges parfois tellement gros et pitoyables où l'on regretterait volontiers d'avoir une tête afin d'éviter d'hurler des insanités au menteur qui vraisemblablement nous prends pour un con, il y a les mensonges, les petits mais néanmoins utiles. Les mensonges de "politesse" en quelque sorte : on va à un endroit pour faire plaisir à quelqu'un, on vante un détail pour ne pas froisser, on tient une discussion par pur soucis d'intégrité sociale, bref. Les mensonges sont nécessaires tant pour soi-même que pour les autres, et mis bouts à bouts ils forment paradoxalement un liant social, concernant aussi bien la sphère amicale que professionnelle que familiale. Bien sûr, je ne tiens pas à dresser l'apologie du mensonge. Encore que ces mensonges ne permettent-ils pas de provoquer des tensions ? De ce fait, les mensonges ne seraient-il pas le résultat d'un réflexe social communicant indirectement une relation conflictuelle ? Finalement, à relation conflictuelle, ne pouvons-nous pas chercher une solution et, en accordant pardon et compréhension, rétablir une nouvelle relation plus sereine ? A ce moment là quel vecteur est le plus à même de nous pousser vers l'amélioration de nos conditions de vie sociale : l'acceptation même de l'existence du mensonge, ou sa disparition par l'invention telle qu'elle est présentée dans The Entire History of You ?


Ce que j'en ai pensé :

Black Mirror est définitivement une série culte. En adoptant un format concentré en 3 épisodes par saison, elle délivre néanmoins à chaque épisode une cascade de réflexions. Le tout est très bien filmé, le jeu d'acteur est parfois réellement poignant (notamment l'épisode 2), l'esthétique est soignée, propre et efficace. Chaque épisode étant indépendant des autres, et j'ai trouvé très audacieux de les plonger chacun dans une époque différente. Le rythme est à chaque fois merveilleusement bien mené, on suit tout simplement le déroulement de l'action, c'est un sans fautes... J'ai particulièrement apprécié les doubles lectures possibles à la fin de chaque épisode. Si, quand j'en ai discuté avec des personnes les ayant vus, tout le monde s'accorde sur les thèmes principaux abordés (médias/télé/etc...), il y a une quantité indénombrable d'interprétations possibles et de thématiques secondaires qui se juxtaposent. Si je devais donner un avis global sur Black Mirror, quoique légèrement pessimiste (n'allez pas me prendre pour un dépressif pour autant, loin de là), je dirais que finalement, tout en faisant à chaque fois du personnage principal un véritable Héros, il est aussi à chaque fois confronté à un dilemme et à une situation particulièrement atroce. Et si Black Mirror met bien évidemment en avant tous les aspects négatifs de notre société moderne pour les extrapoler en différentes pistes, chacune étant exploitée par un épisode, la série met aussi en avant la dignité humaine. C'est le seul double-point commun que j'ai trouvé aux épisodes ; tous partent d'un contexte menant à une situation tragique, où finalement une décision est prise et, à partir de là, la réaction mène à un accomplissement bénéfique au(x) Héro(s). Alors, sans doute en proie à une sur-interprétation, je dirais que si l'affiche de la série, le "Black Mirror" est brisé en morceau, c'est probablement pour prouver aussi que nous restons et resterons libres de nous battre, de fracturer ce miroir qui reflète une image maussade de notre environnement pour aller au-delà de cette simple image réfléchie. Car à la différence de l'être humain le miroir réfléchis mais ne pense pas.


mercredi 30 janvier 2013

Le Livre d'Eli - 2010



Et un film à polémiques, un ! La première fois que j'ai vu ce film je l'ai tout simplement détesté, jamais un film ne m'avait autant énervé. J'étais bouillonnant, et j'ai pas pu dormir de la nuit. Je l'ai longtemps mis de côté, le qualifiant de sombre bouse, avant de plus ou moins par hasard le revoir avec un oeil différent. Et voilà que Le Livre d'Eli rentre aisément dans mon top10. Sortit en 2010 et produit par la Warner Bros, ce film constitue, avec La Route, un de mes films préférés s'inscrivant dans le genre post-apocalyptique, mais pas que... Bon, j'ai voulu laisser des zones de flou pour pas spoiler, mais franchement, avec un titre de film pareil, vous vous doutez bien de quelques détails (ou pas ?) concernant les tenants & aboutissants de ce film.

Fallout Inside : 

Eli, incarné par Denzel Washington, trace son chemin dans un désert, bouffant du corbeau et évitant plus ou moins judicieusement les bandits de grand chemin tout droit sortis de Mad Max. Il a un objectif bien précis, qui est d'acheminer un livre en sa possession jusqu'à une destination qu'il tient à garder secrète. Le pitch paraît simpliste, mais l'univers et les doubles-sens viennent ponctuer le scénario d'apparence plat avec de subtiles allusions -vous l'aurez compris- tantôt bibliques, tantôt cinématographiques, avec des références multiples mêlées à des paris osés dont le résultat crève l'écran, malgré une fin précipitée qui déçoit un peu car un peu maladroite. Les décors sont magnifiques (sacrée colorimétrie), le jeu d'acteur est prenant, et l'histoire bien menée derrière 2 principales thématiques antagonistes : le chaos et l'harmonie. Sur fonds de guerre apocalyptique et religieuse, s'il vous plaît.


Le pouvoir des mots :

On plonge à petits pas, dans l'univers du film, en découvrant progressivement les causes & conséquences du chaos ambiant. Des carcasses de voitures empilées, des ponts défoncés, un désert omniprésent amenant à une sécheresse palpable derrière l'écran. On rencontre au final un protagoniste (qui se trouve être maire) cherchant à affirmer son pouvoir sur un petit village, le seul bastion de ce qu'on pourrait appeler "civilisation" dans le film. Forcément, l'accent est mis sur le pouvoir de la -bonne- parole, celle prêchée par une des rares personnes pouvant encore lire et comprendre ce qu'il tient entre ces mains ; des textes rescapés des flammes . Le pouvoir des mots, et du principe même du message est remis en cause : un texte peut prôner toutes les valeurs morales du monde, il reste beaucoup d'intermédiaires entre un prêcheur et son auditoire :  sa lecture, sa diction, l' écoute et l' interprétation captée. S'approprier l'une ou l'autre des étapes, c'est déjà induire l'erreur dans la suite du processus de compréhension, c'est le propre de la manipulation. Et là où le contexte visuel du film suffisait déjà à nous plonger dans le chaos, on entre à ce moment précis dans un tout autre récit qui se juxtapose à  ce contexte visuel : celui du chaos moral et du déséquilibre des croyances.


Le non-conformisme au service du libre-arbitre :

De ce chaos s'ajoute une certaine part d'harmonie. Parce que bon, un film de SF post-apocalyptique qui plus est, sans super-héros, en général ça dure pas plus de 5 minutes avant que le personnage principal ne meurt du tétanos/de faim/de soif/ou que sais-je encore. Si au départ la crédibilité du jeu d'acteur de Denzel est largement remis en cause par des situations un tantinet exagérées, on se rends compte progressivement qu'il y a quelque chose d'autre mis en jeu derrière, situé à la frontière entre le raisonnable et le divin. Il faut quand même une sacré dose de détermination  pour vouloir acheminer un bouquin dans un monde pareil, à moins justement qu'il s'agisse finalement de déterminisme... C'est là qu'entre en scène un acteur parallèle qui englobe le film et prends de plus en plus d'ampleur, c'est la foi qui guide le(s) héro(s). Pas dans le sens premier à la connotation largement religieuse, mais simplement au niveau humain ; entre piller, être pillé ou vendre du gros calibre à des dictateurs en devenir, pourquoi ne pas choisir l'option la moins convenue qu'est celle de tenter l'impossible pour tenter de ramener un peu d'humanité dans un désert décrépis ? C'est le choix entre se conformer à la masse ou suivre et affirmer ses propres idéaux ; dans tous les cas, les autres ne correspondront jamais à qui nous sommes réellement. Ce qui n'est pas nécessairement synonyme de violence envers les autres : il y a un monde entre Gandhi et Malcolm X, même si la démarche initiale était semblable.


Ouroboros : 

Forcément, même avec un titre pareil, Le Livre d'Eli a forcément une portée critique sur la religion. Si Elie est repris dans différents courant religieux comme un personnage important, il apparaît majoritairement comme un messie. Il y a un flou constant tout au long du film sur cette portée religieuse. On comprends rapidement le livre dont le maire du village fait allusion, et on en déduit dans le même temps plusieurs détails clefs sur l'univers post-apocalyptique du film et, de ce fait, sur la critique religieuse à proprement parler. Tout aurait été détruit suite à une sorte de guerre mondiale, provoquée indirectement par des différends religieux entre pays. N'est-ce pas le cas (dans le monde réel, hein) depuis pas mal de décennies, voir siècles ? Et c'est cette même religion prônant à l'origine des valeurs morales saines ayant pourtant mené le monde à sa perte qui va être ré-utilisée par le maire pour manipuler l'un des derniers bastion d'êtres humains qui n'attendent que de voir un peu d'espoir poindre à l'horizon. C'est ce double pouvoir de la religion qui fait réellement trembler ; des messages aux vertus moralisantes qui ne visent que le bien de tous, mais un outil de conflit majeur menant à des siècles de guerres, aiguisé par ceux qui l'utilise comme moyen de prise de pouvoir. Et le serpent se mords la queue.




Ce que j'en ai pensé : 

D'un point de vue uniquement visuel, en tant que grand fan des univers apocalyptiques, j'étais comblé. Certains plans semblaient sortis de Fallout, les costumes sont crédibles, c'est poussiéreux, les couleurs sont vraiment sympa, et bon, y'a un faux plan-séquence qui envoie quand même du pâté. Y'a un truc fascinant dans ce genre de décors. On s'évertue à avoir des villes à peu près propres, avec des circulations fluides, des façades de bâtiments qui flattent l'oeil et on tombe dans l'extrême opposé dans ce genre de film. Ça donnerait quoi si demain il n'y avait ni électricité ni eau courante ? Les immeubles s'effondreraient au bout de quelques jours, faute d'entretiens. La végétation (ou ce qu'il en resterait) infesterait les canalisations  les rendant inutilisables à moins de les reconstruire, occasionnant des inondations au passage . Et les gens, tout simplement ! Un des trucs cliché qui m'a toujours fait marrer dans les films catastrophes : un plan dans une rue, c'est le chaos, tout le monde hurle et court, et y'a toujours un clampin pour voler une télé dans un magasin. Pourquoi ? Sommes-nous trop attaché à notre confort pour avoir peur de passer une durée indéterminée dans le chaos sans avoir de télé, même si celle-ci ne peut fonctionner et nous délivrer ses puissants messages Ô combien instructifs & objectifs, faute d’électricité ou de réseau de communication valable ? Ou bien cette télé volée incarnerait tout notre désir de consommateur refoulé, où posséder prime sur l'utilité qu'on en tire? Ce qui me fascine dans les films apocalyptique, c'est de voir comment le film va insuffler le chaos via les agissements des personnages. Certains volent des télés, d'autres acheminent un bouquin.

Après, y'a le côté polémique religieuse. Je suis loin d'être expert concernant les religions. J'ai lu la Bible, le début du Coran que je suis en train de lire petit à petit et, une fois fini, je lirais la Torah. En parallèle, je lis de temps en temps des textes bouddhistes. Sans pour autant faire partie d'une de ces religions, j'essaie de les comprendre un minimum. Chacune a, dans sa manière bien à elle, des messages "nobles" qu'elle véhicule, que ce soit concernant la "foi", la morale, l'estime de soi et des autres... il y a des valeurs humanistes intéressantes, chacune de ses religions utilise des situations plus ou moins métaphoriques et/ou romancées pour les transmettre. Le Livre d'Eli met justement ce paroxysme en avant : comment des messages devant mener à l'accomplissement de chacun d'entre nous peuvent-ils dériver au point de déclencher des guerres et des conflits d'une telle ampleur ? Si, dans le film, l'extrême va jusque dans l'apocalypse et la reconstruction du monde, ce sont ces même textes qui viennent reconstruire ce même monde. Les dernières images montrent la Bible dans une bibliothèque, aux côtés du Coran et de la Torah. Si la forme peut être maladroitement mis en scène à l'image, le fonds n'est-il pas juste ? Ces textes n'ont-ils pas été posé sur papier (par une entité divine ou n'importe qui d'autre) afin de véhiculer des valeurs tendant à faire surgir le plein potentiel qui sommeille en chacun d'entre nous ? Et si l'une de ces valeurs fondamentales est probablement celle de ne pas créer d'holocauste en répétant les erreurs du passé, je me demande souvent qui peut bien actuellement tirer les ficelles pour nourrir ces conflits à travers le monde. Comme le maire dans Le Livre d'Eli, ceux qui préfèrent écouter les intermédiaires peu fiables plutôt que de s'abreuver à la source de ces textes courent toujours le risque de devenir les outils de quelqu'un d'autre . L'Homme possède son libre arbitre et, de nos jours, il n'est franchement pas compliqué de se renseigner sur des questions d'éthiques ou quoi que ce soit d'autres, non pas par la profusion des sources mais par leurs interprétations divergentes... car l'important n'est-il pas au final de se fier à soi-même et à son propre esprit critique ? Ceux qui ont écrit pour la première fois les textes religieux, qu'avaient-ils en guise de Foi sinon eux-même ? Adhérer à des communautés et instaurer une certaine rigueur via des rites peut-être une excellente vertu sur bien des points. Mais qu'est-ce qui empêche de nous fier à notre propre jugement éclairé par un minimum de ... sens logique ?


lundi 28 janvier 2013

Paranoia Agent - 2004




Je pensais pas enchaîner sur un deuxième manga, mais il se trouve que là il s'agit d'une série animée. Autant j'suis extrêmement exigeant en terme d'animé, autant celui-là est tellement bien fait (à l'instar de la saison 2 de Ghost in the Shell) que je me permet une rechute dans Paranoia Agent presque une fois par an. Constituée de 13 épisodes de 25 minutes, la série a débuté en 2004 écrit par Seishi Minakami et réalisé par Satoshi Kon. Si ces sonorités nippones chatoyantes ne vous rappellent cependant rien, sachez que ce dernier bonhomme a entre-autre bossé sur Perfect Blue et Paprika, 2 films que je traiterais plus tard.



Ride on !

La série commence sur une intro assez déconcertante ; succession d'enfants, d'adultes, tapotant sur leur téléphone, tout le monde prétextant une excuse ("Désolé, je ne peux pas venir"). Puis un changement radical de plan, où l'on se retrouve nez à nez avec une designer de peluche Kawai (le soulignement est de rigueur quand il est question de Kawai), qui se fait finalement agresser en fin de journée par un gamin en rollers armé d'une batte de baseball  C'est à partir de là que commence une enquête policière d'apparence banale, mais qui se perds dans Paranoia Agent, une série où la patience est mise à rude épreuve tant on peine à parfois faire le lien avec une quelconque histoire ou intérêt. Et c'est exactement la force de cette série ; il récompense la patience du petit scarabée.




Des Cas Sociaux :

La série commence de manière relativement rationnelle. On suit un début d'enquête, on arrive à des déductions policières et à un début d'intrigue qui semble bien ficelé. Et soudainement, quand les enquêteurs tombent sur un suspect adepte des mondes virtuels, on perds pieds. Le ton se voulant jusque là réaliste, on bascule dans un mélange de fantastique et de réel, sans toutefois discerner les frontières ni le parti pris par le réalisateur. On est paumé, les liens quelconques avec l'enquête se noient et semblent disparaître, et on a l'impression de partir dans du hors sujet total qui pourrait prouver que certains nippons cinéastes sont loin d'être purs & chastes. Ces épisodes se succèdent, pour passer au final à des situations et à des histoires, chaque épisode contant les mésaventures d'un personnage. L'un est flic, l'autre est prostituée nymphomane schizophrène  L'un est le plus populaire de sa classe de primaire, l'autre est un vieillard qui n'arrive pas à se suicider. Chacun de ces épisodes devient plus une curiosité morbide qu'un réel exercice de patience, car derrière la bonne part de glauque de la série se cache une certaine poésie. Des plans sont simplement beaux, la bande son est prenante, les voix sont parfaites. On supporte mieux la série, sans toutefois réellement discerner le détail qui prime. Et c'est là la force de Paranoia Agent, c'est que tous les liens que l'ont cherchait se réveille dans les derniers épisodes, jusqu'à l'apothéose finale où l'on se prends une véritable claque.



Psychothérapie à moindres frais :

Cette fameuse claque en question peut se résumer à une somme de critiques sur un lit de bon sens accompagné de son coulis de contexte social actuel. Des quelques dernières minutes (avant dernier & dernier épisode notamment), l'énorme pelote emmêlée que constituait la série se dénoue d'elle-même en un flot constant de constats (!). Car elle est là, la véritable portée de la série : dresser un constat humaniste de la société actuelle. Satoshi l'a écrit comme un remède au suicide, l'un des thèmes récurent abordé dans la série étant la frustration, la honte, le déni. Il semble s'y dégager un enseignement plus qu'une morale, où lorsque l'on devient véritablement acculé revient à être un réel danger pour soi-même. Sous différents aspects, Paranoia Agent montre en fait le visage même du stress et de la frustration ressentit à différents moments de sa vie, et surtout aux conséquences, ainsi que ses répercussions (comprendre dommages collatéraux) engendrés sur d'autres personnes, elle-même provoquant des remous dans la vaste toile que constitue le facteur social de l'Homme. L'effet papillon à l'échelle humaine, où chaque être humain reste son propre prédateur lorsqu'il se retrouve au pied du mur, et où il cherche désespérément à jeter la pierre sur quelqu'un d'autre, alors qu'il peut être lui-même la cause de son propre malheur. C'est le Paranoia Agent.



Loi du Talion revisitée :

Au final qu'est-ce qui peut pousser quelqu'un à véritablement être acculé au point de se faire souffrance soi-même ? Loin d'être psy' je me permet quand même de donner mon point de vue (n'est-ce point l'but ?). Tout au long de la série on aperçoit des dualités qui se créent entre les personnages, plus précisément en leur for intérieur, une sorte de contradiction entre les actes et les idéaux. Comme si le fait de forcer la porte de ses objectifs personnels ne faisait qu'en fait que renforcer les gonds de celle-ci. C'est exactement l'image développée dans Paranoia Agent : de tout âge, chaque personne développe sa personnalité en parallèle avec un idéal de vivre qui mûrit progressivement. L'embêtant c'est que ce même idéal vient en contradiction avec le caractère social de l'Homme qui tends à vivre à société (hein ? l'intro de Paranoia Agent dites-vous ?). N'apprécie-t-on pas couper son portable quand on est en vacances ? Se couper du monde, se retrancher dans ses idéaux que l'on a bâtis, et vivre en autarcie avec son propre univers (qui peut comprendre sa famille). De l'autre pendant, on développe des comportements antagonistes à nos idéaux dès lors que l'on n'équilibre pas sa propre balance sociale : on peut paraître asocial, égoïste, méchant, voir tout simplement con. Ceux qui ont fait couler beaucoup d'encre sur nos bouquins d'histoires n'étaient-ils pas ceux qui étaient allés le plus loin dans leur idéaux, en bien -surtout- comme en mal ? Être acculé tel que dans Paranoia Agent, c'est le point de quasi-non-retour, l'essence même de la dualité à son paroxysme, où ses rêves refoulés se mêlent aux peurs les plus aiguës  à la course à la performance, à l'omniprésence du besoin de succès, etc... Le big bang se créé et se répète plusieurs fois dans la série, en une succession de concrétisation de la loi du Talion où plus la frustration cumulée est forte, plus la déflagration est puissante. Et l'effet produit est simplement épique.




Ce que j'en ai pensé :

Du point de vue graphisme, on passe d'un style réaliste très soigné à progressivement un style de plus en plus décalé allant de paire avec la perte de dissociation réel/rêve. L'effet est saisissant : on est tout simplement paumé, mais pour autant on reste scotché. Great Success.

Au final si je devais en tirer vraiment quelque chose de particulier, je dirais que paradoxalement aux dernières impressions qu'on peut avoir en finissant les quelques 13 épisodes, c'est que c'est une véritable apologie de la vie. Le générique prends tout son sens une fois qu'on a fini la série. Des gens qui rient. Si au départ on ne reconnait aucune des personnes, on apprends leur histoire au fur et à mesure, et on s'étonne de voir toujours le même générique où peut les observer, hilare sur fonds de nuage atomique. Et c'est précisément ça, le message. Malgré les histoires de ces personnages, les conséquences engendrées par les situations occasionnées, ils sont toujours debout. D'une manière plus générale, il apparaît naturel d'être, un jour où l'autre, acculé. De devoir faire face à un dilemme qui sous-entends quantité pléthorique d'autres choix à entreprendre et à assumer par la suite, de devoir soudainement faire face à ses propres peurs, à ses phobies,tout simplement à ce que l'on est réellement au fond de soi. Si la peur est un sentiment saint qui permet de connaître ses limites et, à plus forte raison, qui offre une occasion de les dépasser, il appartient à chacun de nous de les dépasser pour s'affirmer. Cette fameuse dualité dont je parlais, arrive constamment et à intervalle régulier dans nos vies : c'est à mon sens le moment où l'on rejoint nos attentes et que l'on doit naturellement redéfinir de nouvelles limites à conquérir. Et comme l'inconnu fait naturellement peur, le sentiment d'être acculé peut simplement découler du fait que l'on réapprends constamment ce qu'est la peur. Dans Paranoia Agent, si les exemples sont multiples, on remarque surtout où cela mène de ne pas s'assumer, de ne pas se confronter : l'autodestruction pure et simple. D'où le générique : vivez heureux, agissez, suivez vos idéaux, foncez. Vivez, tout simplement.



Ghost in the Shell - 1995



Aller, pour ouvrir le bal, j'ai choisis de m'attaquer à Ghost in the Shell, en particulier le premier film sortit en 1995. Ah, j'oubliais un détail, mais je vais mettre un point d'honneur à ne rien spoiler du film, juste de donner envie de le voir (à défaut de se jeter sur le deuxième film (Innocence - 2004) et la saison 2 de la série (Stand Alone Complex:2nd Gig - 2005). Quelques détails seront abordés sur l'univers très particulier du film, mais je tiens à volontairement laisser des zones de flous afin de pousser à la découverte.

Pitch : 

Ghost in the Shell sort de l'imagination de Masamune Shirow sous forme de manga en 1989. En guise de décors, le film nous plonge dans un Neotokyo des années 2030, ville futuriste à l'architecture étriquée en phase avec l'intelligence artificielle et les implants génétiques. Et comme il se fait relativement rare de se faire une idée d'un futur sans anarchie et criminalité débordant d'imagination, c'est la Section 9 qui joue le rôle de groupe d'intervention high tech pour freiner la progression de pirates informatiques. L'héroïne, Mokoto, dirige avec autorité une poignée de ces flics du futurs, et si je ne me permettrais pas de dire qu'elle fait souvent preuve de sang froid, c'est tout simplement parce que c'est une cyborg.




Le "Ghost" :

C'est là qu'entre en jeu l'une des pièces clef fondamentale de tout l'univers de Ghost in the Shell qui met en avant le fait que l'informatique s'est tellement développé, qu'il est possible de stocker sa mémoire, sa personnalité, dans une simple puce de silicium. Tout au long du film surgissent des allusions au Ghost, qui n'est en définitive rien d'autre que la conscience. Si les 3 lois de la robotique instaurées par Isaac Asimov sont appliquées de nos jours dans la recherche cybernétique  qu'en est-il réellement de la définition même de la conscience dans ce  domaine ? De ce qui dissocie la machine consciente de non-consciente ? Les recherches dans l'informatique quantique tendent à vouloir développer un type révolutionnaire d'échange de données. Là où l'actuel est régit par des successions interminables de 0 et de 1, mon interprétation de l'informatique quantique correspondrait au fait que ces unités deviendraient des 0 et des 1, amenant à des densités de calculs infinis, permettant de mettre en relation des quantités astronomiques d'informations à chaque milliseconde, afin d'anticiper les prochaines, de les réinterpréter, etc... De ce point de vue, le cerveau humain ne fonctionnerait pas un peu de la même sorte ? Quid de l'évolution de l'information telle qu'elle est présentée dans Ghost in the Shell, car si demain je pouvais transférer mon Ghost dans un mixeur et pouvoir garder toute lucidité sur ce fait et ces conséquences, serais-je devenu plutôt mixeur ou être humain ? Mokoto, l'héroïne, se pose régulièrement ces questions, poussant les limites de son Xième corps artificiel à ses limites afin de réellement percevoir la frontière de sa conscience.



"Pirates !" :

Au-delà du perpétuel questionnement métaphysique (la conscience, la réalité, la sensation, ...) qu'incarne Mokoto, on en prends plein les yeux. Véritable chef d'oeuvre d'animation, le dessin est propre, les effets de lumières aux tonalités kitch ne vieillissent cependant pas d'un poil tant elles apportent à l'image et les animations portées par un rythme parfaitement jaugé prennent aux tripes. Et c'est quand au bout d'une courte introduction qui plante le décors que pointe le scénario, le véritable fil conducteur du film. Le "puppetmaster" (marionnettiste) est un des fameux pirates insaisissables que Mokoto traque. N'allez pas croire qu'il s'agit d'un simple téléchargement de la discographie de Rihanna qui a valu à un pauvre français de se faire pincer par Hadopi (diantre !). Partant du principe que les implants et les intelligences artificielles font partie intégrante du quotidien de chacun, les pirates peuvent s'arranger pour pirater différents "périphériques" humains ; les yeux, les souvenirs, l'ouïe ... et là ça devient le bronx. Le film amène a des concepts excellents et bien amenés, qui rajoutent à chaque fois de nouvelles pistes d'appréhension envers cet univers dont la richesse croît progressivement. On assiste du coup régulièrement à l'apparition d'objets, armement, ou même "type d'implant", avec à chaque fois une crédibilité suffisamment naturelle que l'on se dit "pourquoi pas, vu le contexte, c'est logique". Et à mesure que le film déroule sa trame, cet univers paraît de moins en moins attachant, de plus en plus distant et aux antipodes du "confort" spirituel actuel. Qui se demande de nos jours à sa combientième enveloppe corporelle il en est ? Qui se demande réellement s'il est ou non réellement conscient de sa propre existence ? Et si justement ce transfert de conscience via les puces de silicium permettent une certaine forme d’immortalité  comment peut-on réellement vivre sans craindre la mort ? 



Le grand final :

J'ai du attendre quelques années, et revoir pas mal de fois le film, pour réellement le comprendre à son plein potentiel (si toutefois j'y suis réellement arrivé). Car au final Ghost in the Shell reste pour moi un film très particulier, avec un univers hallucinant, des personnages charismatiques au possible (la VF est géniale, avec entre autre les voix françaises de Sigourney Weaver et Schwarzzy). C'est typiquement le genre de film qui, une fois fini et malgré le fait que l'alphabet diffère "légèrement" du nôtre, je regarde le texte défiler jusqu'à la fin, manière de remercier ces gens de m'avoir amené à voir, entendre et pensé ce film. Car on en retient finalement forcément des questionnements, les sujets soulevés ne peuvent pas rendre indifférent qui que ce soit de sensé (et j'ose espérer m'adresser à quelqu'un de sensé). Et j'aime les films qui font réfléchir, alors si en plus ils sont magnifiques et que la bande son est terrible... Je revendique le fait que je hisse fièrement ce film dans mon top5, pour la simple et bonne raison que c'est un perfect sur tous les points.




Ce que j'en ai pensé :

Pour le côté graphique, Ghost in the Shell (aussi bien le premier film que le second et les 3 saisons de la série) a nourri en moins un goût particulier pour la robotique un peu gore, détachée des sentiments. J'aime observer les choses, évidemment le corps humain en fait partie. Des cyborgs décharnés, c'est un peu un être-jouet : il est assemblé de pièces, de tubes, de composants, mais pas de sensations. La violence exercée par et sur des robots (dans les films, heeeein ?)  peut cependant amener à de l'empathie (!), mais pourtant concrètement se soucierait-on de l'usine qui fabriquerait à la pelle plein d'autres cyborgs dont seul le numéro de série différerait du précédent ? Ces robots, ces machines, ces conglomérats pièces aux détails fins, ça m'a fasciné assez tôt. C'était juste beau.

Pour ce qui est d'une conclusion amenant à une réflexion un peu plus globale et qui elle se détache du film pour rejoindre entièrement mon interprétation, je pense (et malheureusement constate) qu'on tends de nos jours à sans cesse vouloir avoir des robots pour nous aider à faire la vaisselle, à passer l'aspirateur, se laver les dents, nous prévoir la météo. Les recherches actuelles en Asie nous montre pas mal d'essais et d'avancées dans la robotique. Nao le robot est utilisé dans certaines grandes universités véritablement comme aide de camp. Et très souvent, la machine ressemble à un humain. Je suis loin d'être réfractaire à l'innovation (merci Nikola Tesla) et je ne tiens pas à vivre en ermite. Mais si Dieu a créé l'Homme à son image, et n'étant pas croyant pour un sou, je dirais qu'actuellement l'Homme voudrait rendre fous les chrétiens. Et car ce jour arrivera forcément (iRobot), mais qu'il faudra attendre bien longtemps avant d'arriver à un monde tel que celui décrit dans la saga Ghost in the Shell, quelles seront les conséquences de cette pseudo immortalité (rapprochement plus concret avec les pouvoirs divins ?). Nous poserons-nous les même questions que Mokoto ? Le monde aura-t-il perdu sa saveur, son imprévisibilité, et son étrangeté ? Et chacun de nous, aurons-nous perdu notre spontanéité, notre sagacité ? Quand le pilier même de sa conscience s'effondre car l'on doute d'elle, comment pouvons-nous être amené à vivre sa vie, et non celle d'un implant ou d'un iPad 27 ? Qui viendra remplacer Siri ? Qui formera le premier sous-prototype de Skynet ? Et surtout jusqu'où l'Homme ira-t-il avant de se rendre compte que l'histoire d'Icar reste plus un enseignement qu'un simple mythe ?


dimanche 27 janvier 2013

Sens logique ?

Je me permet (si, si) de faire un 2e site pour approfondir un de mes passe-temps que je préfère : observer.

Car on naît et on vit observateur. La complexité même de l'oeil fascine, du phénomène même de la vision, de la captation de la lumière à l'influx nerveux d'où découle une interprétation tangible d'une part infinitésimale du torrent d'images que l'on conçoit à chaque instant de notre éveil. Une part qui, aussi petite soit-elle, est instantanément décortiquée puis calquée à des modèles que l'on a conçu, chacun de nous ; des idées, des souvenirs, des modèles, et des préceptes assimilés de manière individuelle. Et cette part, si petite soit-elle, prends tout son sens dès lors qu'on l'enchaîne à une suivante, puis à une autre, et d'autres encore, captées par dizaines à la seconde, par milliers, par millions. Et quand l'on ferme les yeux la nuit venue on entraperçoit un spectre miasmatique qui semble réel mais qui n'est qu'une part de nos rêves les plus profonds. Et à raison de 18 heures d'éveil par jour, notre oeil percevrait plus de 90'000'000 d'images en une journée.

La tendance actuelle tends à vouloir multiplier la quantité (ou plutôt la densité) d'informations visuelles captées ; affiches, écrans, et que l'on ne me dise pas qu'une manifestation se quantifie plus par la quantité pléthorique de banderoles clamant une cause plus ou moins louable que par le nombre de personnes réellement présentes (cette dernière information changeant curieusement d'ordre de mesure selon les groupes médiatiques diffusant ce genre de chiffre). Mais je ne veux pas pointer du doigt la surenchère publicitaire de piètre qualité qui obscurcit amèrement le béton, simplement mettre en avant l'omniprésence de l'image.

Si jusque là je n'ai fais que mettre en avant des évidences, je tiens maintenant à vous faire part d'un point de vue qui m'est plus personnel. C'est un peu le but de ce site : je tiens à mettre en avant les sens cachés dans les films, jeux vidéos, des BDs, romans graphiques ... des trucs que je trouve plus ou moins par hasard et qui, à mon sens, valent la peine que je leur "dédie" une partie de mon temps personnel pour en parler, et pour en donner mon point de vue. Il m'apparaît clair qu'en réponse à un accroissement de messages visuels s'accompagne une baisse d'attention, d'esprit critique, de discernement, et de remise en question du support même qu'est le visuel. Quelqu'un qui bouffe des pâtes toute sa vie en devient écoeuré. C'est la même pour les images. Je tombe sur des gens qui n'aiment pas le cinéma, qui n'apprécient plus les films, qui n'aiment pas vraiment lire, ouvrir une BD, contempler quelque chose, une image, une structure, une personne, qui n'arrivent pas à être étonné simplement sur le plan esthétique d'une chose quelconque.

La conception d'une image naît dans la tête de quelqu'un et résulte d'une démarche que certain qualifie d'artistique (encore faut-il que "l'artiste" ne tente pas de se foutre de notre gueule en pensant qu'un art aussi vaste que lié à l'image puisse se résume à trois pauvres coups de pinceaux blancs sur une toile blanche). La moindre des choses est de se demander "Pourquoi ? Dans quel but ? Comment ?" J'aime ce genre de question. Si tout le monde est capable de pondre une image avec un crayon ou photoshop, qui tente vraiment de diffuser quelque chose ? De tenter ardemment de vouloir défendre un idéal ? Une opinion ? Si l'image est changée en stimulus nerveux puis changée en sens, il m'apparaît logique que l'image reste indissociable de l'essence même du message : la  transmission de quelque chose. C'est ce que j'aime capter, dans chaque chose que mes yeux voient chaque jour.

Ce qui m'amène piètrement à finalement faire ce second site où je me permettrais de faire des critiques sur des films, jeux & cie qu'y m'auront personnellement touché, et dont le message révèle tellement du bon sens et d'une certaine forme de beauté, que j'appellerais ce site "Sens Logique".